CHILD E&D
Contexte
L’impact des inégalités socio-économiques sur le développement psychologique et la santé mentale des enfants peut être observé dès le plus jeune âge. En effet, des recherches menées par l’ERES ont montré que les facteurs de désavantages social et économique à différentes étapes de la vie (enfance, adolescence) sont associés à une mauvaise santé mentale à l'adolescence et à l'âge adulte (dépression, symptômes d'hyperactivité/inattention, usage de substances). Aussi, les difficultés psychologiques dès le plus jeune âge prédisent le niveau d'éducation et la position socioéconomique des individus atteints à l'âge adulte, suggérant une interrelation néfaste entre la santé mentale et la position socioéconomique qui se met en place tôt dans la vie. Les difficultés les plus fréquentes, telles que le risque de retard cognitif et linguistique, le trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité, les symptômes d'anxiété et de retrait relationnel, ou encore les troubles du comportement, sont distinctes mais coexistent fréquemment et ont des facteurs de risque communs. Elles sont en partie influencées par la génétique ainsi que par certaines expositions précoces comme la défavorisation sociale et/ou économique, ou l’environnement dans lequel l’enfant évolue. En effet, les adversités/difficultés survenues tôt dans la vie, entre la naissance et l’âge de 3 ans, sont considérées comme particulièrement déterminantes. Néanmoins, il a été prouvé que certaines formes de difficultés psychologiques et comportementales peuvent s'améliorer au contact d’un environnement favorable ultérieur.
Des changements significatifs dans le développement psychologique et comportemental des enfants peuvent être observés soulignant l'importance d’identifier des potentiels facteurs de résilience. La résilience est la capacité qu’a un enfant à se ressaisir après un traumatisme, à évoluer dans la société, à rebondir après des situations difficiles et à prospérer malgré les adversités. Jusqu'à récemment, les aspects physiques de l’environnement dans lesquels les enfants grandissent ont peu été examinés, particulièrement de manière conjointe.
Objectif du projet
Pour faire suite à ce précédent travail, le projet CHILD-E&D, porté par l’ERES, vise à mieux identifier les facteurs de l'environnement social des enfants qui peuvent modifier leur développement et leur santé mentale face à l'adversité, et servir de sources potentielles de résilience.
Pour ce faire, le projet vise à caractériser les expositions à quatre facteurs environnementaux (la pollution de l’air, la verdure, la capacité de l’environnement à faciliter les déplacements utilitaires à pied (marchabilité) et l’environnement sonore) chez les enfants âgés de 0 à 5 ans sur une longue période (appelée exposome). Ce projet va permettre d’identifier des profils, définis selon les facteurs d’exposition, et d’explorer les associations avec le développement psychomoteur et la santé mentale des enfants.
Méthodologie et caractère innovant
Pour ce faire, le projet mobilise différentes sources de données. Quatre bases de données environnementales sont mobilisées. Les données relatives à la verdure et la pollution de l’air proviennent d’imagerie satellite ; les données sur la marchabilité des cartographies sont fournies par l’IGN (elles permettent de connaître différentes informations telles que la densité résidentielle, la diversité des équipements dans l’espace, etc.) ; les données sur la pollution sonore sont récoltées par l’UMRAE, partenaire du projet, qui a développé une application libre d'accès.
Par ailleurs, les porteurs du projet mobilisent les données de la cohorte Elfe. Elle est la première étude française d’envergure nationale consacrée au suivi des enfants, qui aborde les multiples aspects de leur vie sous l’angle des sciences sociales, de la santé et de l’environnement. Plus de 18 000 enfants nés en France métropolitaine en 2011 ont été inclus dans l’étude, ce qui représente 1 enfant sur 50 parmi les naissances de 2011. L’étude Elfe s’intéresse à la santé des enfants, leur scolarité, leur alimentation, leur vie familiale et sociale ou encore leur environnement. Elle s’appuie sur des questionnaires posés aux parents à différents temps de suivi des enfants : 2 mois, 3 ans et 5 ans. Les données de la cohorte comportent les adresses de résidence des enfants, ce qui permettra de les géocoder et de créer des zones de résidence afin de faire le lien avec les quatre bases de données environnementales.
Les porteurs du projet vont ainsi chaîner ces données et mobiliser des méthodes de machine learning, afin d’étudier l’impact cumulé de ces quatre facteurs environnementaux sur le développement de l’enfant. Les algorithmes développés vont permettre de créer des groupes (profils) d’enfants par critère homogène/hétérogène et d’en tirer des constats (un enfant de tel âge, avec telles prédispositions socio-économiques et dans tel environnement peut évoluer de telle manière).
Le projet CHILD-E&D a été lauréat de la deuxième vague de l’appel à projets sur le croisement de données de santé et environnementales, porté conjointement par le Green Data for Health (CGDD) et le Health Data Hub, lancée en 2024. Dans ce cadre, l’apport du Health Data Hub a consisté à fournir un accompagnement financier.
Résultat / Livrable attendu
Le projet permettra de mieux appréhender l’impact de l’exposome sur le développement psychomoteur et la santé mentale d’enfants vivant en France métropolitaine. Il pourra encourager la réplication des méthodes au sein d’autres cohortes afin de renforcer le niveau de preuve concernant les résultats et suscitera de nouvelles questions de recherche, le tout dans une optique d’orienter les politiques de santé publique et d'aménagement urbain en prenant en compte un ensemble de facteurs de manière conjointe plutôt que par des actions ciblées.
Les algorithmes développés seront mis en open source et le projet fera l’objet de publications scientifiques.