Dépistage du mélanome en soins primaires par l’application d’intelligence artificielle HUVY en vie réelle.
Objectif(s) de la recherche et intérêt pour la santé publique
Finalité de l'étude
Objectifs poursuivis
Domaines médicaux investigués
Bénéfices attendus
En 2022, l’institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) prévoyait que la population française atteigne 69.3 millions d’habitants en 2044 [1]. Les projections de cet institut envisagent qu’en 2040 près d’un français sur deux aura plus de 65 ans.
Récemment, Berkoui et al. évaluaient à 2441 le nombre de dermatologues en activité en France en 2022 contre 3135 en 2007 [2]. Ces chiffres révèlent une diminution de plus de 22% du nombre de spécialistes sur cette période. Les modèles prévisionnels actuels s’accordent pour prévoir une poursuite de cette baisse du nombre de dermatologues au moins jusqu’en 2030.
Au niveau départemental, l’évolution entre 2010 et 2022 de la densité des dermatologues pour 100 000 habitants est hétérogène. Par exemple, selon les données du Conseil National de l’Ordre des Médecins, en Charente-Maritime elle a diminué de 5.6% pour passer de 3.8 à 3.6 dermatologues pour 100 000 habitants. En revanche cette densité de dermatologues dans le Lot et Garonne s’est effondrée de 62.5% (4 dermatologues pour 100 000 habitants en 2010 contre 1.5 en 2022).
Les conséquences de cette situation sont un allongement des délais de consultation spécialisée en dermatologie, engendrant des retards de prise en charge et parfois une perte de chance pour les patients notamment en onco-dermatologie.
Selon les données nationales de l’Institut National du Cancer, le nombre de nouveaux cas de cancers cutanés a plus que triplé entre 1990 et 2023. Le mélanome représente moins de 10% des cancers de la peau en France mais constitue le plus grave d’entre eux du fait de son fort potentiel métastatique.
En 2023, il y avait 17 922 nouveaux cas de mélanomes cutanés diagnostiqués en France métropolitaine (9 109 hommes et 8 813 femmes). Les chiffres de 2021 sur la mortalité du mélanome font état de 1 920 décès (1 080 hommes et 840 femmes). Il représente environ 4 % de l’ensemble des cancers incidents et 1,2 % des décès par cancer, tous sexes confondus. Le mélanome fait partie des cancers dont l'incidence mais aussi la mortalité ont significativement augmenté depuis 40 ans [3].
Compte tenu de la pénurie nationale de dermatologues et des délais actuels moyens pour obtenir une consultation spécialisée en dermatologie, les médecins généralistes jouent un rôle essentiel dans le diagnostic des lésions cutanées en tant qu’acteurs principaux des soins primaires en France.
L’intelligence artificielle connaît un essor depuis une dizaine d’années avec un intérêt particulier pour la radiologie et la dermatologie. Une intelligence artificielle repose sur un réseau neuronal qui traite les données à travers une succession de nœuds interconnectés, de manière semblable aux neurones du système nerveux biologique. Les réseaux neuronaux convolutifs sont une forme spécifique d'architecture d'apprentissage profond adaptée à la classification d’image comme en dermatologie pour la classification des lésions suspectes. En 2017, Esteva et al. [4] publiaient dans Nature la première étude comparant les performances d’une intelligence artificielle à celles des dermatologues. Ils ont sélectionné un ensemble d’images cliniques et dermoscopiques de lésions dont le diagnostic était confirmé par biopsie et les ont soumis à vingt dermatologues. Il leur était demandé s’ils conseilleraient une biopsie, voire un traitement ultérieur ou s’ils rassureraient le patient. Les auteurs ont converti ces résultats sous forme binaire : « malin » ou « bénin ». A partir de ces résultats ils ont tracé les courbes ROC des dermatologues et les ont comparés aux courbes ROC d’un réseau neuronal convolutif. Cette première étude concluait à la supériorité de l’intelligence artificielle sur la majorité des dermatologues. Un seul praticien parmi les vingt obtenait une aire sous la courbe supérieure à ce réseau neuronal convolutif.
En 2019, deux nouveaux articles publiés par T.J Brinker et al. ont comparé les performances diagnostiques d’un réseau neuronal convolutif à près de 150 dermatologues allemands, suivant la méthodologie de l’étude d’Esteva et al. La première a révélé une sensibilité et une spécificité égales pour la classification d’images cliniques [5]. La seconde a conclu à la supériorité des performances diagnostiques du réseau neuronal convolutif dans la classification d’images dermocopiques [6].
Face à la pénurie de dermatologues et face aux difficultés pour l’intelligence artificielle de supplanter le spécialiste, de récentes études s’intéressent à l’aide que pourrait apporter les réseaux neuronaux convolutifs en soin primaire. En effet, puisque les médecins généralistes constituent le premier filtre dans le cadre du parcours de soins coordonnés, la pertinence de leur diagnostic des lésions suspectes est essentielle. L’intelligence artificielle pourrait assister le médecin traitant dans sa prise de décision diagnostique. Il éviterait ainsi la surcharge de consultation spécialisée pour des lésions bénignes et orienterait plus efficacement une lésion suspecte de mélanome.
En 2022, Papachristou P. et al. [7] ont cherché à évaluer si l’intelligence artificielle pouvait constituer un système de soutien à la décision médicale afin d’améliorer la précision diagnostique des lésions suspectes des médecins généralistes. Il s’agissait d’une étude prospective en vie réelle réalisée sur des médecins généralistes suédois. Ces derniers devaient renseigner leur degré d’inquiétude pour une lésion suspecte (élevé ou bas) et la prise en charge envisagée. Un réseau neuronal convolutif évaluait ensuite la lésion en signifiant s’il y avait des arguments pour un mélanome ou non.
Les résultats étaient significativement en faveur d’une augmentation de la sensibilité de la détection du mélanome par les médecins généralistes assistés par l’intelligence artificielle. La sensibilité et la spécificité de l’intelligence artificielle dans la détection du mélanome étaient respectivement de 95.2% et 84.5%. L’intérêt de cette étude est que la valeur prédictive positive de suspicion clinique des médecins généralistes était de 23.5% et augmentait à 31.6% lorsque la décision était assistée par le réseau neuronal convolutif. A noter que la moitié des lésions excisées ou adressées à un dermatologue aurait pu être diagnostiquée comme bénigne en soins primaires si les résultats de l’intelligence artificielle avaient été appliqués.
Cette étude présente cependant certaines limites. Tout d’abord les auteurs fournissent peu d’information sur le développement de ce réseau neuronal convolutif, notamment les études ayant permis sont déploiement au préalable. Par ailleurs, il ne s’agit pas encore d’une étude randomisée avec bras contrôle permettant d’affirmer la supériorité de la décision par l’intelligence artificielle pour la prise en charge du mélanome en soins primaires.
Cette première étude prospective souligne l’intérêt de l’intelligence artificielle en soins primaires afin de réduire le nombre de patients envoyés inutilement à des spécialistes, ce qui allègerait la charge de travail des dermatologues, dont le nombre continu à diminuer à l’échelle nationale.
C’est dans ce contexte qu’HUVY, star-up française installée à Royan et crée en 2021, a sollicité le Centre Hospitalier de La Rochelle pour mener une première étude en vie réelle sur son application d’intelligence artificielle, spécialisée dans le dépistage du mélanome en soins primaires.
Au cours de 4 études (CHU de Nantes, Hospices Civiles de Lyon, Base de Données de la communauté dermatologique et données de ville), les performances diagnostiques de l’application ont été évaluées avec une sensibilité de 96% et une spécificité de 72%.
L’application HUVY a reçu en février 2025 le marquage CE en tant que dispositif médical de classe IIb, permettant son déploiement en soins primaires pour les médecins généralistes au cabinet et les pharmaciens en officine. Elle fonctionne de la façon suivante :
- En consultation de médecine générale et en pharmacie d’officine, sont prises une photographie clinique des lésions suspectes et une photographie en dermoscopie via l’application mobile « HUVY » par le médecin généraliste ou le pharmacien respectivement.
- L’application classe alors la lésion en 3 catégories selon son risque : verte = lésion bénigne, orange = lésion suspecte inclassée, rouge = lésion suspecte de mélanome.
Dans ce contexte nous collaborons avec HUVY pour mettre en place un déploiement avec des médecins généralistes et pharmaciens en nombre limité. Seuls les patients ayant une lésion suspecte, classée en orange et en rouge, seront vus en consultation au CH de La Rochelle pour une évaluation spécialisée dermatologique.
L’objectif principal de cette étude est d’évaluer le volume et la pertinence des consultations engendrées afin d’établir au mieux le parcours patient pour un éventuel déploiement à grande échelle de l’application. Nous réaliserons un recueil systématique de toutes les lésions suspectes analysées (risque faible à fort) par l’application HUVY chez les médecins généralistes participant à l’étude.
L’objectif secondaire est la confrontation des résultats théoriques de l’application HUVY avec les résultats en condition réelle. Nous procéderons par l’analyse systématique en consultation dermatologique de toutes les lésions classées comme suspectes et à risque (en orange et en rouge sur l’application) par l’intelligence artificielle.
Il s’agit d’une première évaluation en vie réelle de l’application d’intelligence artificielle HUVY, dispositif médical de classe IIb, dans le dépistage du mélanome en soins primaires.
Cette étude permettra d’évaluer la pertinence de l’intelligence artificielle en tant que premier filtre des lésions suspectes de mélanome en soins primaires dans un contexte de pénurie de dermatologue.
Le but à terme est de diagnostiquer efficacement en soins primaires les lésions nécessitant un avis spécialisé afin de réduire le nombre de consultation spécialisée en lien avec des lésions bénignes. Pour le patient il en résulte un raccourcissement des délais de consultation en dermatologie et une réduction de la perte de chance en lien avec un retard diagnostique.
Pour les médecins traitants et pharmaciens, l’intelligence artificielle pourrait remplir le rôle d’aide au diagnostic des lésions cutanées en soins primaires.
Population ciblée :
• Critères d’inclusion : Patient de 18 ans à 99 ans présentant une lésion pigmentée suspecte.
• Critères de non-inclusion :
- Une lésion naturellement non-contrastée par rapport à la peau ou couverte d’une substance (maquillage, crème solaire etc)
- Une lésion sur une peau catégorisée Fitzpatrick V et VI
- Une lésion présente sur les muqueuses (lèvres, bouche, œil, parties génitales, sous-ongle etc), sur le cuir chevelu ou sur la plante des pieds
- Une lésion qui ne peut être visible entièrement dans la lentille du dermatoscope
- Une lésion située proche ou sur un tatouage
- Une lésion endommagée (plaie, brûlure etc)
- Une lésion présente sur une peau non humaine
- Une lésion déjà soumise à un traitement (monitoring) ;
• Critères d’exclusion :
- Refus de participer à l’étude
Schéma de l’étude
Il s’agit d’une étude observationnelle, rétrospective, descriptive, monocentrique au CH de La Rochelle.
Objectifs et critères de jugement
Objectif principal :
Évaluation du rapport entre le nombre de lésions scannées et le nombre de consultations spécialisées engendrées afin d’établir au mieux le parcours patient pour un déploiement à grande échelle de l’application.
Nous réaliserons un recueil systématique de toutes les lésions analysées (vertes, oranges et rouges) par l’application HUVY au sein des pharmacies et médecins généralistes participant à l’étude.
Objectifs secondaires :
1. Évaluation du nombre et du type de lésions malignes diagnostiquées par l’intermédiaire de l’application.
Nous réaliserons un recueil systématique du diagnostic retenu en consultation spécialisées des lésions analysées (oranges et rouges) par l’application HUVY au sein des pharmacies et médecins généralistes participant à l’étude.
2. Évaluation du délai entre l’évaluation par l’application et la consultation spécialisée en dermatologie au CH de La Rochelle.
Nous réaliserons un recueil systématique de la date de l’analyse de la lésion par l’application HUVY et de la date de la consultation spécialisées au CH de La Rochelle afin d’établir un délai moyen.
3. Comparaison du nombre et du type de lésions diagnostiquées par l’application entre pharmacie d’officine et cabinet de médecine générale.
Nous réaliserons un recueil systématique du diagnostic retenu en consultation spécialisées des lésions analysées (oranges et rouges) par l’application HUVY au sein des pharmacies et médecins généralistes participant à l’étude.
En consultation en cabinet médical (4 médecins généralistes sélectionnés) ou à la pharmacie d’officine (2 sélectionnées), prise de photographie clinique des lésions suspectes et d’une photographie en dermoscopie via l’application mobile « HUVY », par le médecin généraliste ou le pharmacien respectivement. L’application classe alors les lésions en 3 catégories selon le risque : verte = lésion bénigne, orange = lésion suspecte inclassée, rouge = lésion suspecte de mélanome.
Les patients ayant une lésion suspecte sont vus en consultation au CH de La Rochelle. En effet, en cas de lésions classées comme à risque (orange et rouge), les patients sont reçus en consultation spécialisée de dermatologie.
Données recueillies dans les dossiers médicaux :
Démographie : sexe, âge
Facteurs de risque : phototype, antécédents personnel et/ou familial de carcinome et mélanome cutané
Caractéristique cliniques : nombre et type de lésions analysées, nombre et type de lésions suspectes non analysées et découvertes à l’examen clinique spécialisé
Lésion : diagnostic retenu, résultats anatomopathologiques (si biopsie ou exérèse), réalisation ou non d’une biopsie ou d’une exérèse.
Données utilisées
Catégories de données utilisées
Source de données utilisées
Autre(s) source(s) de donnée(s) mobilisée(s)
Appariement entre les sources de données mobilisées
Variables sensibles utilisées
Recours au numéro d'identification des professionnels de santé
Plateforme utilisée pour l'analyse des données
Acteurs finançant et participant à l'étude
Responsable(s) de traitement
Type de responsable de traitement 1
Responsable de traitement 1
Localisation du responsable de traitement 1
Représentant du responsable de traitement 1
Calendrier du projet
Base légale pour accéder aux données
Encadrement réglementaire
Durée de conservation aux fins du projet (en années)
15
Existence d'une prise de décision automatisée
Fondement juridique
Article 6 du RGPD (Licéité du traitement)
Article 9 du RGPD (Exception permettant de traiter des données de santé)
Transfert de données personnelles vers un pays hors UE
Droits des personnes
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