Une comorbidité cachée : troubles du sommeil chez les patients en kinésithérapie de soins primaires – Étude observationnelle transversale
Objectif(s) de la recherche et intérêt pour la santé publique
Finalité de l'étude
Objectifs poursuivis
Domaines médicaux investigués
Bénéfices attendus
Les troubles du sommeil représentent un enjeu majeur de santé publique en raison de leur prévalence élevée et de leurs conséquences délétères sur la santé physique, mentale et sociale. Selon l’International Classification of Sleep Disorders – Third Edition, Text Revision (ICSD-3-TR), les troubles du sommeil sont répartis en sept grandes catégories cliniques : insomnies, troubles respiratoires liés au sommeil (dont le SAHOS), hypersomnies, troubles du rythme circadien, parasomnies, troubles du mouvement liés au sommeil, et troubles non spécifiés (AASM, 2023).
À l’échelle mondiale, une méta-analyse de 2023 durant l’épidémie mondiale de COVID-19 a estimé que 35,7 % des adultes de la population générale présentent un trouble du sommeil (Zhang et al., 2023). Parmi eux, l’insomnie est particulièrement fréquente : sa prévalence est estimée à 12,4 % (diagnostic clinique structuré) et 16,3 % (auto-questionnaires) (Zhou et al., 2024). Le SAHOS touche 6 à 17 %des adultes, avec une prévalence plus élevée chez les hommes, les sujets âgés et les personnes obèses (Benjafield et al., 2019).
Ces troubles ne sont pas de simples inconforts : ils sont associés à un excès de morbi-mortalité, notamment cardiovasculaire et métabolique. Une méta-analyse incluant plus de 5 millions de participants issus de 153 études a montré qu’un sommeil court < 6 heures était significativement associé à une augmentation du risque de mortalité toutes causes confondues (RR = 1,12 ; IC95% : 1,08–1,16), ainsi qu’à un risque accru de diabète (RR = 1,37), d’hypertension (RR = 1,17), de maladie cardiovasculaire (RR = 1,16), de maladie coronarienne (RR = 1,26) et d’obésité (RR = 1,38) (Itani et al., 2016).
Par ailleurs, une autre méta-analyse de 12 études portant spécifiquement sur l’insomnie a révélé une association significative avec le syndrome métabolique, notamment une augmentation du risque d’hypertension (OR = 1,41), d’hyperglycémie (OR = 1,29) et d’obésité (OR = 1,31) chez les insomniaques par rapport aux bons dormeurs (PMID: 34074598).
Enfin, plusieurs études récentes associent les troubles du sommeil à la neurodégénérescence. Une étude multicentrique de 2024 a démontré qu’une mauvaise qualité du sommeil prédisait la conversion vers une démence de type Alzheimer (Hodkinson et al., 2024). Une autre méta-analyse récente a montré que les caractéristiques et les troubles du sommeil affecte la clairance glymphatique et active des voies inflammatoires chroniques, contribuant ainsi aux processus neurodégénératifs (Tergel et al., 2025).
Malgré cela, les troubles du sommeil restent largement sous-dépistés en population générale. Une étude montre que moins de 20 % des personnes atteintes reçoivent un diagnostic formel ou une prise en charge appropriée (Kapur et al., 2002).
Dans le champ de la kinésithérapie en soins primaires, ces troubles ont un impact direct sur la douleur chronique, la récupération fonctionnelle et les résultats en rééducation (Joaquin Salazar et al. , Félix Naughton et al., H. Financier et al.
Pourtant leur prévalence chez les patients consultant en kinésithérapie libérale reste peu explorée. Cela représente une opportunité stratégique de Santé Publique, car les kinésithérapeutes, en raison de leur accès direct et répété aux patients, sont en position privilégiée pour repérer ces troubles.
Par ailleurs, les troubles du sommeil sont également associés à une réduction de l’activité physique et à une altération de la fonction physique ( Simon D Kyle et al., Kline et al.), deux dimensions au cœur des préoccupations de la pratique kinésithérapique. Cela confère aux kinésithérapeutes un rôle central dans le repérage des troubles du sommeil, non seulement parce qu’ils peuvent compromettre les résultats de la rééducation fonctionnelle, mais aussi parce qu’ils constituent une comorbidité fréquente, souvent méconnue, dont la détection précoce pourrait améliorer la qualité de vie des patients et prévenir le développement de pathologies associées.
Une démarche de dépistage structuré via un arbre décisionnel a déjà été proposée aux kinésithérapeutes via un arbre décisionnel en ligne développé par la section Home Health de l’American Physical Therapy Association. Une étude observationnelle a montré que 65 % des kinés se déclaraient prêts à l’utiliser en clinique (Siengsukon et al.).
Cette étude a pour objectif de :
Évaluer la prévalence des troubles du sommeil à partir des données issues d’un système d'information de bilan structuré utilisé par des kinésithérapeutes, intégrant des questions spécifiques sur le sommeil.
Analyser la distribution de cette prévalence en fonction du motif de consultation, afin d’identifier les pathologies ou situations cliniques les plus associées aux troubles du sommeil.
Étudier les liens entre troubles du sommeil et caractéristiques sociodémographiques des patients, notamment l’âge et le sexe.
Méthodes
Conception de l’étude
Il s'agit d'une étude observationnelle descriptive, rétrospective et transversale, réalisée en contexte de soins de kinésithérapie libérale. L’analyse repose sur des données issues de soins courants, recueillies à l’aide de la technologie TOHA, un système d'information utilisé pour l’évaluation initiale des patients dans des cabinets de kinésithérapie. L’étude suit les recommandations STROBE (Strengthening the Reporting of Observational Studies in Epidemiology) applicables aux études observationnelles transversales.
Contexte
Les données proviennent du logiciel TOHA, développé par des kinésithérapeutes et utilisé dans des cabinets libéraux en France, Belgique, Suisse et Canada. Toutes les évaluations initiales enregistrées entre le 16 octobre 2023 et le 23 mai 2025 ont été incluses dans l’étude.
Population
Les critères d’inclusion comprenaient tous les patients âgés de 16 ans ou plus, ayant bénéficié d’une évaluation initiale dans TOHA comportant des champs relatifs au sommeil. Ont été exclus les dossiers identifiés comme étant des évaluations de patients fictifs, notamment à partir de logs de type « test ».
Variables
Le critère principal d’intérêt était la présence d’un trouble du sommeil, identifié à partir de deux sources complémentaires :
Champs fermés de l’anamnèse, avec réponses binaires (oui/non) aux questions suivantes :
« La douleur est-elle présente au repos ou durant votre sommeil ? »
« Y a-t-il un trouble du sommeil ? »
« Avez-vous mal au repos ou durant votre sommeil ? »
Synthèse qualitative basée sur les verbatims recueillis lors de l’entretien, en réponse aux questions ouvertes :
« Dormez-vous bien ? »
« Êtes-vous fatigué(e) ? »
« Vous arrive-t-il de vous lever la nuit ? »
« Vous arrive-t-il de vous endormir en journée ? »
Un patient était considéré comme présentant un trouble du sommeil si au moins un élément issu de ces deux sources correspondait aux critères définis dans une grille de codification a priori. Cette grille, construite à partir des recommandations internationales et de la littérature scientifique, identifiait les troubles à partir de marqueurs tels que :
une mauvaise qualité subjective du sommeil (« je dors mal », « sommeil non réparateur », etc.) ;
une latence d’endormissement prolongée (« je mets du temps à m’endormir », etc.) ;
des réveils nocturnes fréquents ;
des réveils provoqués par la douleur ;
des comportements inhabituels durant le sommeil (somnambulisme, cris nocturnes, etc.) ;
une somnolence diurne (bâillements fréquents, endormissements en journée) ;
une durée de sommeil insuffisante ou non réparatrice ;
l’usage de traitements médicamenteux pour favoriser le sommeil ;
un impact fonctionnel sur la vie quotidienne (fatigue persistante, irritabilité, difficultés de concentration, etc.) ;
une plainte persistante malgré l’utilisation d’un appareillage pour l’apnée du sommeil.
Critères secondaires
Les variables secondaires comprenaient : l’âge, le sexe, le motif de consultation, ainsi que le champ d’intervention (musculosquelettique ou cardio-respiratoire), ce dernier étant inféré à partir du motif de consultation.
Sources de données – Mesures
Les données ont été extraites via une requête informatique standardisée, puis anonymisées avant analyse. Les champs fermés ont été exploités pour l’analyse quantitative. Les réponses libres ont été codées manuellement par deux auteurs indépendants (MCR, AC), selon une grille préétablie. En cas de désaccord, un troisième évaluateur (MB) tranchait. Cette procédure visait à garantir la rigueur du codage.
Biais
Plusieurs dispositifs ont été mis en place pour minimiser les biais :
La grille de codification a été élaborée en amont selon les critères issus de la littérature scientifique et des recommandations internationales.
Le double codage à l’aveugle a permis de réduire les biais d’interprétation.
Les données proviennent de soins courants, limitant ainsi le biais de sélection.
Les professionnels de santé n’étaient pas informés des objectifs spécifiques de l’étude au moment de la collecte, réduisant le risque de biais de déclaration.
Les analyses statistiques ont été planifiées a priori afin de limiter les risques d’interprétation a posteriori.
Taille de l’échantillon
Aucun calcul formel de taille d’échantillon n’a été réalisé du fait du caractère descriptif et rétrospectif de l’étude. Tous les dossiers disponibles sur la période d’analyse, répondant aux critères d’inclusion, ont été intégrés, afin d’optimiser la représentativité et de minimiser le biais de sélection.
Traitement des données et exclusions
Les dossiers incomplets pour les variables principales (trouble du sommeil, âge, sexe, ou motif de consultation) ont été exclus de l’analyse principale. Les patients ayant plusieurs évaluations ont été comptabilisés une seule fois pour les variables individuelles, mais chaque motif de consultation a été pris en compte séparément. Aucune méthode d’imputation n’a été utilisée pour gérer les données manquantes.
Deux analyses de sensibilité sont prévues :
Une restreinte aux praticiens ayant renseigné les champs liés au sommeil dans plus de 90 % de leurs bilans ;
Une portant sur les seuls bilans comportant un motif de consultation renseigné.
Les résultats de ces sous-échantillons seront comparés à ceux de l’échantillon principal. Si les estimations concordent, cela renforcera la robustesse des conclusions ; dans le cas contraire, une prudence d’interprétation sera adoptée.
Analyses statistiques
Les analyses seront majoritairement descriptives. Les variables qualitatives (présence d’un trouble du sommeil, sexe, motif de consultation, champ d’intervention) seront rapportées en effectifs et pourcentages. Les variables quantitatives (âge) seront décrites par la moyenne et l’écart type ou par la médiane et l’intervalle interquartile, selon la distribution, évaluée à l’aide du test de Shapiro-Wilk.
La prévalence des troubles du sommeil sera estimée dans l’échantillon global, puis comparée entre les sous-groupes selon l’âge, le sexe, le motif de consultation et le champ de prise en charge. Les comparaisons intergroupes seront réalisées à l’aide du test du chi² ; le test exact de Fisher sera utilisé en cas d’effectifs faibles. Le seuil de significativité statistique sera fixé à p < 0,05.
Les analyses seront effectuées avec le logiciel RStudio (version à préciser).
Aucune analyse multivariée n’est prévue, l’objectif de l’étude étant purement descriptif.
Données utilisées
Catégories de données utilisées
Source de données utilisées
Autre(s) source(s) de donnée(s) mobilisée(s)
Appariement entre les sources de données mobilisées
Variables sensibles utilisées
Justification du recours à cette(ces) variable(s) sensible(s)
La date de naissance et la date de consultation sont collectées afin de calculer l’âge exact des participants au moment de leur prise en charge. Cette information est essentielle pour caractériser précisément la cohorte, en particulier en ce qui concerne la distribution des âges, un élément clé pour évaluer la validité externe de l’étude.
L’âge au jour de la consultation permet de contextualiser les données cliniques et d’apprécier la généralisabilité des résultats à d’autres populations. Cette structuration des données contribue à garantir la rigueur scientifique de l’étude.
Les données sont pseudonymisées conformément aux exigences du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).
Recours au numéro d'identification des professionnels de santé
Plateforme utilisée pour l'analyse des données
Acteurs finançant et participant à l'étude
Responsable(s) de traitement
Type de responsable de traitement 1
Responsable de traitement 1
Localisation du responsable de traitement 1
Représentant du responsable de traitement 1
Calendrier du projet
Base légale pour accéder aux données
Encadrement réglementaire
Durée de conservation aux fins du projet (en années)
05
Existence d'une prise de décision automatisée
Fondement juridique
Article 6 du RGPD (Licéité du traitement)
Article 9 du RGPD (Exception permettant de traiter des données de santé)
Transfert de données personnelles vers un pays hors UE
Droits des personnes
Conformément aux articles 15 à 20 du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), les personnes concernées par cette étude disposent des droits suivants : droit d’accès à leurs données, droit de rectification, droit à la limitation du traitement, droit d’opposition, ainsi que, sous certaines conditions, le droit à l’effacement et à la portabilité des données.
Dans le cadre de cette recherche rétrospective, une procédure d’information individuelle et de recueil de non-opposition a été mise en œuvre, conformément aux exigences de la méthodologie de référence MR-004 de la CNIL. Les participants ont été informés de l’utilisation de leurs données à des fins de recherche, et ont pu exercer leur droit d’opposition à tout moment.
Les professionnels de santé (masseurs-kinésithérapeutes) ont également été informés et ont donné leur accord pour l’utilisation de leurs données professionnelles dans le cadre du projet.
Toute demande relative à l’exercice de ces droits peut être adressée au délégué à la protection des données (DPO) de la structure responsable du traitement, selon les modalités définies dans la politique de confidentialité applicable.